L’innovation est aujourd’hui considérée comme un levier essentiel de la croissance économique. En effet, elle constitue le moteur indispensable qui alimente l’économie et favorise le développement. Faycel Ouerdien, inventeur et entrepreneur, nous fait part de son expérience et de ses ambitions et dévoile sa recette magique pour devenir un excellent investisseur. Il nous démontre également comment l’innovation est le moteur de l’économie et du développement.
Faycel Ouerdien, inventeur et entrepreneur, est profondément inspiré par Peter Drucker, le pape de la gestion moderne. En 2005, quand il était étudiant, il a développé une technologie révolutionnaire d’extraction d’arômes naturels, inspirée par la biomimétique, qu’il a baptisée «F.D.V.E». Une année plus tard, il dépose son premier brevet international. En 2010, il a validé scientifiquement cette technologie dans le cadre de son mastère à l’Institut des Régions Arides de Médenine.
En 2012, en utilisant la « F.D.V.E », il a conçu une chaîne de production de thé soluble totalement innovante, à l’échelle labo, et lancé sa start-up dans un modeste garage familial à Djerba. Jusqu’alors, le thé soluble était considéré comme un produit de qualité inférieure et n’avait jamais réussi à s’imposer sur le marché du thé. Cependant, grâce à ses inventions, le thé soluble a surpassé ses attentes, devenant non seulement plus apprécié que le thé infusé classique, mais également plus que le thé tunisien traditionnel, préparé par décoction avec sa célèbre mousse. Ce succès a été confirmé par une étude réalisée en 2017, validant la naissance d’un nouveau marché : celui du thé soluble haut de gamme.
Les marques internationales s’y intéressent !
En 2013, il a fondé sa propre marque avec deux investisseurs. La même année, un leader mondial du thé a manifesté son intérêt en proposant d’acquérir la technologie, offrant un montant sans précédent pour une start-up à son démarrage en Tunisie. Cet intérêt témoignait de l’ampleur et du potentiel de l’innovation. En 2017, il a mené à bien la création d’une usine complète, avec toutes ses machines fabriquées en interne par son équipe d’ingénieurs et techniciens 100 % tunisiens. «Pour y parvenir, nous avons fondé une seconde entreprise dédiée à la fabrication de nos équipements, baptisée « C.S.P.M », qui est devenue le tout premier Food innovation center complet en Tunisie. En 2018, nos produits ont conquis les salons de thé haut de gamme et les hôtels de luxe. Je garde encore des emails de 2016 et 2017 de fournisseurs européens, asiatiques et du Golfe, fascinés par nos produits et désireux d’établir des partenariats. Malheureusement, la même année, j’ai été contraint de quitter l’entreprise, car l’un des investisseurs avait préparé un plan pour tout saisir à travers des augmentations de capital, un comportement malheureusement trop courant en Tunisie. Actuellement, je me lance dans un projet «Deep-tech» encore plus ambitieux, dans le secteur des boissons fonctionnelles, en me basant sur une nouvelle génération de technologies totalement innovantes», a affirmé Ouerdien.
Opérer dans le secteur des produits de consommation offre une opportunité unique de créer un géant mondial et indépendant, plutôt que de se voir contraint de se vendre à un autre groupe, comme c’est souvent le cas pour la majorité des start-up «Deep-tech». L’industrie des boissons fonctionnelles est extrêmement dynamique et innovante, ouvrant la voie à des horizons infinis, nous explique le jeune investisseur.
Et d’expliquer : «J’ai commencé la création de plusieurs produits dans les secteurs du thé, du chocolat, du café, des cocktails, et j’ai obtenu des résultats éblouissants que je préfère garder secrets pour le moment. Mon objectif est de créer le leader mondial de cette industrie, avec des investisseurs visionnaires et honnêtes qui partagent mon état d’esprit et mes valeurs. J’ai toujours rejeté le modèle de réussite traditionnel. Je ne veux pas me réduire à une logique de sous-traitance à faible valeur ajoutée, reposant sur une main-d’œuvre bon marché, à peine digne du tiers-monde».
Innover, innover et encore
innover
Son ambition s’inscrit dans la vision de Peter Drucker : conquérir le monde et écrire une nouvelle page de l’histoire économique tunisienne, à la hauteur du potentiel immense que notre pays et son peuple possèdent.
«L’entrepreneur recherche toujours le changement, y répond et l’exploite comme une opportunité». Selon lui, exploiter le changement revient tout simplement à innover. «Sans innovation, on ne peut pas parler d’entrepreneuriat. Un entrepreneur est, par essence, innovant : soit il l’est, soit il n’est pas un véritable entrepreneur. Par nature, un entrepreneur doit être visionnaire : voir ce que les autres n’ont pas vu, entendre ce qui n’a pas été dit, et faire preuve de créativité, car l’entrepreneuriat est une démarche de création, et non de répétition. En revanche, les porteurs de projets classiques et ordinaires peuvent être appelés tout simplement des porteurs de projets ou des hommes d’affaires. Ainsi, il n’existe pas d’entrepreneurs «ordinaires»».
L’économiste autrichien, Joseph Schumpeter, a expliqué que le capitalisme repose sur l’innovation. Celle-ci détruit le passé pour créer l’avenir. Rien n’est stagnant ! L’innovation est le moteur de l’économie et du développement. Ce n’est pas un luxe, mais l’oxygène dont l’économie a besoin.
Etre psychologiquement
solides
«Malheureusement, la Tunisie manque d’innovation, en conséquence notre économie est en crise. L’innovation exige de l’audace, car elle est par nature une activité risquée, tant sur le plan financier, les budgets de recherche et développement étant souvent conséquents, que sur le plan social, car innover implique le courage d’être différent, ce qui suscite souvent des refus, des critiques, et parfois même le ridicule de la part des esprits conservateurs. Albert Einstein disait : «Les grands esprits ont toujours rencontré une opposition farouche des esprits médiocres». Les innovateurs doivent donc être psychologiquement solides pour réaliser leurs rêves».
«Etre entrepreneur est une qualité innée. Des traits comme l’imagination, la créativité, la résilience, l’audace et la capacité à avancer dans l’incertitude ne peuvent être enseignés, mais ils doivent être nourris par un apprentissage.
Devenir entrepreneur est un processus d’apprentissage long et exigeant qui repose sur plusieurs choses : l’expérience pratique, le fait d’apprendre de ses succès et de ses échecs. Il ne faut pas oublier l’éducation et la formation, il faut aussi lire abondamment des ouvrages de référence et s’inspirer des biographies d’entrepreneurs d’exception, s’entourer d’autres entrepreneurs et apprendre de leurs expériences», nous a dévoilé Faycel Ouerdien.
«J’ai en tête de grands inventeurs et entrepreneurs mondialement reconnus, en Tunisie aussi, il y a plusieurs entrepreneurs que j’ai eu l’honneur de rencontrer et d’écouter raconter comment ils ont créé leurs entreprises à partir de rien. Des gens qui sont partis de zéro pour bâtir un succès remarquable». Tous ceux-là ont su identifier des opportunités cachées dans leur marché et ont osé innover et emprunter des chemins inexplorés. Pour certains, leur portée n’a pas atteint une dimension internationale, mais leur réussite demeure admirable et inspirante. Mais il y a d’autres entrepreneurs tunisiens qui ont brillé aussi à l’échelle internationale grâce à leur vision et leur innovation.
Combattre l’hostilité au changement
D’après Faycel Ouerdien, il y a plusieurs obstacles auxquels un entrepreneur visionnaire doit fait face. Un entrepreneur doit identifier un vide sur le marché à combler. «Plus ce vide est grand, plus l’opportunité de créer une entreprise de grande envergure est importante. Il doit ensuite imaginer et concevoir un produit ou un service parfaitement adapté pour répondre à ce besoin. Il doit également convaincre des investisseurs de la viabilité et du potentiel de son projet, avant de constituer une équipe de managers talentueux, tout en se montrant digne de leur confiance et à la hauteur de leur ambition. Un véritable entrepreneur voit toujours grand, voire très grand», a-t-il expliqué.
L’environnement économique est hostile à l’innovation, mais cela va changer. Dans une économie de rente, les grands groupes, souvent protégés par la loi, accèdent facilement aux financements et aux marchés publics. Ils n’ont pas besoin d’innover pour rester compétitifs. Le manque d’innovation au sein de ces grands groupes se répercute sur l’ensemble du tissu industriel tunisien, privant ainsi notre économie de l’émergence de PME innovantes. «A titre d’exemple, la création d’Airbus a permis la naissance de plus de 15.000 PME autour de cette seule entreprise. Hélas, un tel modèle n’existe pas en Tunisie. La majorité de la liquidité mise à disposition par les banques est absorbée par ces grands groupes tunisiens, étouffant ainsi les PME les plus innovantes. L’administration tunisienne, conservatrice, impose souvent des obstacles bureaucratiques absurdes aux projets innovants.
De plus, le système éducatif, qui façonne notre manière de penser, limite la créativité en valorisant l’apprentissage par cœur et la répétition mécanique. Cependant, un vent de changement souffle. Il y a une volonté politique et législative réelle d’assainir l’écosystème économique et de promouvoir un environnement propice à l’innovation », a clarifié Ouerdien.
La principale erreur est de penser trop petit et de s’enfermer dans une vision étroite. Le monde regorge de grandes opportunités, mais elles ne se révèlent qu’aux audacieux. La deuxième erreur fatale pour un entrepreneur est de tomber dans l’obscurité du micro-management, une pratique qui non seulement le prive de sa vision d’ensemble, mais rend également ses décisions stratégiques inefficaces.